DahUlm : le Tour du Mont Blanc d’un·e géologue

PresentationÉtape 1 : Courmayeur - La PeuleÉtape 2 : La Peule - TrientÉtape 3 : Trient - Tré le ChampÉtape 4 : Tré le Champ - Les HouchesÉtape 5 : Les Houches - Refuge de la BalmeÉtape 6 : Refuge de la Balme - Rifugio ElizabettaÉtape 7 : Rifugio Elizabetta - CourmayeurBibliographieRemerciements

Le Tour du Mont-Blanc est un des circuits d’itinérance les plus empruntés par les randonneur·euse·s en France, Suisse et Italie. Il fait – sans surprise et comme son nom l’indique – le tour du massif du Mont-Blanc en environ 170 km et autant de beaux paysages et moments d’émerveillements naturalistes. Nous vous proposons de retracer l’histoire géologique du Mont-Blanc à partir d’observations réalisées sur ce GR.

DahUlm, c’est un projet conduit par trois amies, étudiantes au département de Géosciences de l’ENS : Angélique Marck, Romane Rizet et Zoé Dubois. Il est porté par l’association Amsterre, association des étudiant·e·s du département de géosciences.

Nous avons parcouru le Tour du Mont-Blanc en 7 étapes au cours de l’été 2024. Lors de ces étapes nous avons pris en photo des panoramas ou objets remarquables par l’histoire géologique qu’ils racontent. Histoire dont des pages s’écrivent encore chaque jour : les mutations vécues par la montagne avec la fonte des glaces, l’urbanisation croissante, ou le sur-tourisme nous ont particulièrement touchées. 

Les arrêts présentés suivent une logique dictée par la chronologie de notre randonnée. Nous avons de plus essayé de proposer un nombre homogène de points d’intérêts par étape. Pour aller plus loin ou pour avoir une vision plus globale de la géologie du Mont-Blanc ou des Alpes, nous vous invitons à vous renseigner dans les ouvrages de la bibliographie. 

Bonne lecture et belle randonnée !

GLISSEMENT DE TERRAIN

En montant en direction du refuge Bertone, observez le versant en face : au milieu des verts épicéas, une zone déboisée est visible, des rochers gris apparaissent. Il ne s’agit pas d’une exploitation forestière, mais d’un glissement de terrain, qui a emporté le couvert végétal. La forêt a grandi sur d‘anciennes moraines glaciaires, qui forment aujourd‘hui les versants de la vallée. Le retrait des glaciers a déstabilisé ces versants, et les racines des conifères ne suffisent pas toujours à les stabiliser. En cas de fortes pluies, l‘eau s‘infiltre en profondeur, alourdit les formations rocheuses, et facilite leur glissement vers le fond de la vallée. On parle alors de « loupe d‘arrachement », car la zone arrachée est souvent une portion de sphère.

PREMIER PANORAMA SUR LE MONT-BLANC

Première vue dégagée de notre tour, c’est l’occasion de présenter brièvement le massif que l’on circonvolue ! Géographiquement, le massif du Mont-Blanc réunit la France, l’Italie et la Suisse. On y trouve le toit de l’Europe, un peu à l’ouest depuis notre point de vue, culminant à 4 810 m. Géologiquement il fait partie des « massifs cristallins externes » des Alpes : écaille du socle de la plaque européenne, constitué de roches anciennes, granite et gneiss. Depuis nos 2000 m d’altitude, la question qui nous vient rapidement en tête est « pourquoi le Mont-Blanc est-il si haut ? ». Il nous faut pour y répondre retracer une histoire géologique vieille de plus de 300 millions d’années et la dérouler jusqu’à aujourd’hui et à la formation du paysage de roches et glaciers qui s’étale devant vous.

GLACIER DE LA BRENVA

Profitons de notre premier point de vue pour nous attarder sur le glacier de la Brenva. Ce glacier naît au pied du Mont-Blanc, entre les aiguilles Noire et Blanche de Peuterey au sud, le Mont-Blanc, le mont Maudit, la Tour Ronde et l’aiguille de la Brenva. On distingue le cirque en amont, entouré de tous ces sommets et la langue glaciaire en aval, recouverte de roches. Les deux se sont déconnectés progressivement depuis la fin du petit âge glaciaire au niveau du resserrement de la Pierre à Moulin. Entre 2000 et 2019, bien que protégée thermiquement par les débris, la langue s’amincit de 4 m/an. N’étant plus alimentée par le cirque, elle est destinée à disparaître.

Sources

  • Antoine Rabatel, Etienne Ducasse, Victor Ramseyer et Romain Millan, « Évolution récente et à venir des glaciers du Val Veny (massif du Mont-Blanc, Italie) : apports de la télédétection satellite optique », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], 111-2 | 2023, mis en ligne le 02 novembre 2023, consulté le 29 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/rga/11575 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rga.11575
  • Massimo Riso, “I ghiacciai del monte Bianco (versante Italiano) 1818-2014”, Nimbus, Genova Numero 64, Mis en ligne en 2019, consulté en 2024, URL : http://www.nimbus.it/liguria/rlm64/GhiacciaiMonteBianco.html
  • Wikipedia, “Glacier de la Brenva”, dernière modification le 30 septembre 2024, consulté en septembre 2024, URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Glacier_de_la_Brenva
RELIEF MOU DES SCHISTES NOIRS

Observez le chemin sous vos pieds : la terre est noire, poussiéreuse, avec peu de cailloux. Les pentes sont douces. Les roches qui affleurent au bord du chemin, formant un muret naturel, sont des schistes. Ce sont des roches sédimentaires, déposées entre 175 et 170 Ma, à l‘Aalénien, au fond de l‘océan alpin (Téthys). À partir de 130 Ma, la remontée de la plaque africaine provoque la fermeture de l‘océan, et l‘exhumation des roches, qui sont aujourd‘hui à plus de 2 000 mètres d‘altitude. Lors de l‘orogenèse alpine, les roches les plus tendres, tels que les schistes, ont été fortement déformées. En témoigne le plissement visible à côté de vous : initialement horizontal, il a été verticalisé quand les couches ont été basculées.

RÉTROCHEVAUCHEMENT DU MONT-BLANC, VAL D'AOSTE

Depuis le sentier on jouit d’une bonne vue sur la vallée. Deux grands ensembles géologiques paraissent dans le paysage : les sommets du socle cristallin du Mont-Blanc et, après une rupture de pente, la couverture sédimentaire avec ses reliefs relativement mous. Repérez les affleurement gris-bleus du Jurassique moyen. Ses couches (schistosités) semblent s’enfoncer sous le Mont-Blanc. En effet, il y a 14 à 6 million d’années la couverture sédimentaire du Mont-Blanc (nappe de Morcles) est passée sous celui-ci. Par mouvement relatif cela signifie que le Mont-Blanc s’est élevé. La cicatrice de la faille inverse impliquée correspond à la rupture de pente.

Sources

  • A. Mercier, P.H. Leloup, G. Courrioux, S. Caritg, S. Lopez, P. Grandjean, S. Passot, A. Kalifi, “Large thrusting and late faulting shape the Aiguilles Rouges crystalline massif (Western Alps), structural implications”, Tectonophysics, Volume 847, 2023, 229691, ISSN 0040-1951, https://doi.org/10.1016/j.tecto.2022.229691
  • Matthieu Petetin, “Structures géologiques, lecture géologique des paysages”, geologie-montblanc, consulté en 2024, URL : http://www.geologie-montblanc.fr/structures.htm
PANORAMA DEPUIS LE GRAND COL FERRET : UNITÉS GÉOLOGIQUES DU VAL FERRET

Fin de l’ascension du Grand col Ferret : vous êtes à la frontière entre l’Italie et la Suisse. Dans le val Ferret italien que vous quittez, on distingue différentes unités géologiques. À l’est du val, les Alpes internes sont une zone où la déformation et le métamorphisme liés à la formation des Alpes sont très poussés. Sur les flancs est de la vallée et dans la vallée même : les nappes helvétiques. Il s’agit d’une couverture sédimentaire mésozoïque déplacée sur de longues distances par chevauchement d’unités plus à l’est, dont le massif du Mont-Blanc. Ce dernier est constitué de roches anciennes : du gneiss et du granite principalement, hérités d’une chaîne de montagnes vieille de plus de 300 Ma (chaîne varisque). Les nappes helvétiques et le massif du Mont-Blanc font partie des Alpes externes : les déformations alpines sont superficielles, le métamorphisme de bas degré. Y pointent des dômes de socle ancien : les massifs cristallins externes. Le massif du Mont-Blanc en est un.

CHEVAUCHEMENT DE LA NAPPE DE MORCLES, LA MAYE VAL FERRET

La montagne de la Maye nous fait face. Dès le premier regard, on distingue deux types de roches. Au sommet, des roches marron sombre où on ne distingue pas de couches : il s’agit de rhyolite, une roche magmatique qui fait partie du socle cristallin du Mont-Blanc (environ 300 Ma). En dessous, gris clair et organisé comme un mille feuilles de couches sub-verticales (schistosité), des calcshistes du Jurassique moyen (Malm, ~150 Ma). L’orientation des schistosités indique que les terrains sédimentaires sont plaqués contre le socle, un peu comme pour le Catagne en milieu d’étape. C’est un témoin du passage des nappes sédimentaires venant de l’est par dessus le massif du Mont-Blanc, il y a 30 à 22 million d’années.

Sources

BLOC ERRATIQUE

Avez-vous remarqué les gros blocs rocheux isolés le long de votre parcours, comme celui-ci ? Ces formations sont appelées blocs erratiques, des masses rocheuses transportées par les glaciers au fil du temps. Les glaciers alternent entre phases de recul et d’avancée. Lorsqu’un glacier se déplace, il emporte des débris et des blocs rocheux emprisonnés dans la glace. Lorsque le glacier recule et fond, ces blocs sont libérés et restent sur place, sauf s’ils sont à nouveau déplacés par un glacier. En analysant leur composition et en les comparant aux roches des glaciers, les scientifiques peuvent parfois établir un lien entre un bloc erratique et un glacier spécifique, fournissant ainsi des informations sur l’étendue des glaciers passés. Ces blocs ont aussi été utilisés comme ressources pour la construction.

Sources

  • Reynard, Emmanuel & Panizza, Mario. (2007). Geomorphosites: definition, assessment and mapping. Géomorphologie : relief, processus, environnement. 11. 10.4000/geomorphologie.337.
  • Reynard, Emmanuel, Erratic boulders in Switzerland, a geological and cultural heritage Reynard Emmanuel EGU General Assembly Conference Abstracts 2015 https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2015EGUGA..17.4415R
PARAPETS EN MIGMATITE

Arrivé·e·s à Champex, nous commençons à marcher sur les terrains géologiques qui forment le massif du Mont-Blanc. Ces terrains sont principalement des gneiss et des granites, matériaux locaux utilisés en construction. Les gneiss sont des roches métamorphiques, c’est-à-dire issues de la transformation minéralogique d’une roche par augmentation en pression et température (sans fusion), organisée en lits de minéraux clairs (feldspaths, quartz) alternant avec des lits sombres (micas). Lorsque le métamorphisme est encore plus poussé, ces roches peuvent fondre partiellement. Les résidus de fusion cristallisent sur place et forment des mylonites comme sur les parapets de Champex-lac, ou bien coalescent et cristallisent en un pluton granitique. Il y a 400 à 300 million d’années, une chaîne de montagne comparable à l’Himalaya recouvrait l’Europe : la chaîne varisque. Les conditions de pression et température induites par ces montagnes ont permis la formation de ces mylonites à la fin de l’ère varisque.

GRANITE DU MONT-BLANC

En montant vers Bovine à travers la forêt, on peut observer des roches blanc et noir aux grains grossiers, qui sont des granites du Mont-Blanc. Les gros grains visibles représentent les minéraux constitutifs. Les cristaux blanc lait, parfois teintés de rose et rectangulaires, sont des feldspaths, tandis que les minéraux noirs sont des biotites, un type de mica. Les minéraux blanc brillant correspondent à la muscovite, une autre variété de mica, et les minéraux gris transparent sont du quartz. Avec le temps, ces roches subissent plusieurs épisodes de déformation, transformant certains minéraux par métamorphisme, notamment sous l’effet de la circulation des fluides. On peut ainsi parfois observer de la chlorite, un minéral verdâtre, formée par l’altération des micas et feldspaths.

ÉTAGEMENT DE LA VÉGÉTATION

En montagne, la température, l’humidité, la persistance de la neige et la luminosité varient avec l’altitude. On peut noter une baisse de 0,6° C tous les 100 m, et une pluviométrie croissante jusqu’à 2 500 m puis décroissante. Ces variations altitudinales des conditions de vie sont à l’origine d’un étagement de la végétation, que l’on observe en portant notre regard vers l’ESE à l’aplomb du village de Chandonne. De la vallée aux sommets : l’étage collinéen avec ses champs et des forêts de feuillus, puis les étages montagnards et subalpins dominés par l’épicéa autour du Mont-Blanc. La forêt se clairsème pour céder place à la pelouse alpine qui constitue l’étage alpin, jusqu’à l’étage nival où dominent roches et neiges.

LA VALLÉE DU RHÔNE (SUISSE), UNE VALLÉE GLACIAIRE

Depuis les alpages de Bovine, en regardant au nord, on a vue sur une grande vallée agricole. Champs et urbanisation forment comme un patchwork. Il s’agit de la vallée du Rhône. Le fleuve effectue un coude au niveau de Marigny, pour continuer vers le nord-est et le lac Léman. Le fond plat et les flancs abrupts de cette vallée sont caractéristiques des vallées glaciaires. Les avancées et reculs successifs des glaciers alpins au cours des précédentes glaciations ont surcreusé la vallée, lui conférant cette forme « en auge ». À la période historique, la vallée a vécu de nombreuses mutations, avec des aménagements du Rhône depuis le XIVème siècle et la substitution des zones marécageuses et alluviales par des champs.

Sources

  • Emmanuel REYNARD, Gilles A RNAUD-FASSETTA, Laetitia L AIGRE, Philippe SCHOENEICH. Le Rhône alpin vu sous l’angle de la géomorphologie: état des lieux. Extrait de Le Rhône: dynamique, histoire et société, textes réunis par Emmanuel REYNARD, Myriam EVÉQUOZ-DAYEN, Pierre DUBUIS, Sion, 2009 (Cahiers de Vallesia, 21), p. 75-102
ÉTAGE SUBALPIN

Après plusieurs mètres de montée dans une pessière, vous rencontrez le long du sentier de nouvelles essences de résineux, le mélèze et le pin cembro (dit aussi arolle), dont l’association est caractéristique de l’étage subalpin (environ 1 700 – 2 200 m, température moyenne annuelle de 2 °C). On peut les reconnaître facilement en regardant leurs aiguilles. Si les aiguilles de l’épicéa sont insérées une par une sur la branche, celles du pin cembro sont regroupées par 5 et celles du mélèze par plus de 10. Pour ce qui est de la faune, vous pourrez entendre le cassenoix moucheté, responsable en grande partie de la dispersion des graines du pin cembro, reconnaissable à son cri, entre corneille et sonnette de vieil appartement.

Sources

LES UNITÉS GÉOLOGIQUES DE LA VALLÉE DE L'ARVE

Vous vous situez au col de Balme, qui sépare la vallée de l‘Arve (France) et celle du Trient (Suisse). Positionnez-vous face à la vallée de l‘Arve : à votre gauche, le massif du Mont-Blanc, à votre droite, le massif des aiguilles Rouges. Les roches des deux massifs ont été formées en profondeur lors de l‘orogenèse hercynienne (400 – 250 Ma). L‘érosion des massifs hercyniens a produit des volumes conséquents de roches sédimentaires, qui se sont déposées en couches au fond de la vallée. Ensuite, l‘ouverture de l‘océan Téthys a permis la formation de roches sous-marines (calcaires, dolomies). Elles ont été exhumées lors de l‘orogenèse alpine, de même que les roches profondes (granites et gneiss) qui forment les massifs alpins actuels.

COL DES POSETTES : LE BARRAGE D'EMOSSON ET LA NAPPE DE MORCLES

En arrivant au col des Posettes et en regardant vers le nord-ouest, vous apercevrez le barrage d’Emosson, situé au cœur des gneiss du massif des aiguilles Rouges. Ce barrage hydroélectrique impressionnant, haut de 180 mètres, retient un lac d’un volume de 225 millions de m³ (90 000 piscines olympiques). L’eau qui alimente ce lac provient en partie des torrents sous-glaciaires du massif du Mont-Blanc, notamment des glaciers d’Argentière et du Tour. Ces eaux sont acheminées vers le barrage par un réseau de galeries souterraines reliant la France et la Suisse. À l’arrière-plan, vous pouvez observer la nappe de Morcles, une couche sédimentaire qui, lors de la formation des Alpes, a été déplacée du massif du Mont-blanc au massif des aiguilles Rouges.

Sources

LE SYNCLINAL DES POSETTES

Vous venez de passer du massif du Mont-Blanc à celui des aiguilles Rouges. La suture entre les deux massifs vous fait face en regardant vers le nord. Depuis le col nous avons marché sur des terrains du Jurassique moyen. Sous celui-ci des calcaires du Jurassique supérieur. Des couches âgées en surmontent des plus récentes : c’est le chevauchement de la couverture du Mont-Blanc sur celle des aiguilles Rouges. Si on regarde en détail cette dernière, on remarque que le Permien est pris en sandwich par le Carbonifère. Il s’agit d’un pli synclinal très pincé, qui s’est formé lors du raccourcissement qui a rapproché le Mont-Blanc des aiguilles Rouges.

Sources

ARGILES VERSICOLORES À L'ARRIVÉE DU TÉLÉSKI DES POSETTES

Près du sommet de l’aiguillette des Posettes, à l’arrivée du téléski, vous pouvez observer des argiles aux teintes vertes et violettes, appelées argiles versicolores ou schistes argileux versicolores. Ces argiles sont des roches formées par un empilement de feuillets d’aluminium et de silicium, et elles peuvent contenir divers autres éléments, notamment du fer.​ La couleur de ces argiles est influencée par le degré d’oxydation du fer présent. Une proportion plus élevée de Fe²⁺ par rapport à Fe³⁺ favorise des teintes vertes, tandis qu’un excès de Fe³⁺ tendra à donner des teintes violacées.

Sources

  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
FAILLE DE LA REMUAZ

Depuis l’aiguillette des Posettes, on peut admirer le massif des aiguilles Rouges, où se dessine la faille de la Remuaz. Cette faille sépare le granite de Vallorcine du massif cristallin des aiguilles Rouges le long d’un plan presque vertical, incliné vers le sud-est. Ce plan de faille constitue une zone de faiblesse permettant des mouvements entre ces deux formations géologiques. Il est probable que le séisme du 29 avril 1905, d’une magnitude estimée entre 5.1 et 5.7, se soit produit le long de cette faille, causant des dégâts importants, notamment à Argentière. Aujourd’hui encore active, la faille est surveillée par l’Institut des sciences de la Terre (ISTerre, Université Grenoble Alpes), qui étudie la micro-sismicité pour mieux comprendre la tectonique locale et réduire les risques sismiques.

Sources

  • Michel Cara, M., Van der Woerd, J., Alasset, PJ. et al. “The 1905 Chamonix earthquakes: active tectonics in the Mont Blanc and Aiguilles Rouges massifs”, Swiss J Geosci 110, 631–651 (2017). https://doi.org/10.1007/s00015-017-0262-7
  • Riccardo Vassallo, “Remuaz”, International Federation of Digital Seismograph Networks, 2024, https://doi.org/10.7914/ts1a-7g40, URL :  https://www.fdsn.org/networks/detail/X4_2024/
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, p214-225, 2015
LA RÉSERVE DES AIGUILLES ROUGES

En descendant de l’Aiguillette des Posettes en direction du village de Tré-le-Champs, vous entrez dans la réserve naturelle des Aiguilles Rouges. Créée en 1974, elle couvre 2 279 ha sur le massif des Aiguilles Rouges. Elle s‘étend des étages montagnard à nival (1 200 m à 2 965 m, l‘aiguille du Belvédère). Face à l‘essor du tourisme dans la vallée, protégeons ensemble ces espaces naturels fragiles : merci de ne pas cueillir les fleurs, ne dormez pas en-dehors des aires de bivouac. La présence de chiens perturbe la faune et la flore, ils sont donc interdits. Ne laissez pas de déchets ni de matériaux derrière vous, n‘allumez pas de feux. La réglementation complète est disponible ici.

LA MER DE GLACE ET LE RECUL GLACIAIRE

Pendant que vous reprenez votre souffle après cette montée, admirez le versant opposé. Entre les Drus et les aiguilles de Chamonix serpente une vallée à fond plat, aux versants rocheux surplombés de forêts d’épicéas. C’est la vallée de la Mer de Glace. Le glacier, nommé ainsi par deux explorateurs anglais, a été une des premières attractions touristiques de la vallée au XIXème siècle. Sa taille a fluctué au cours des siècles, au gré des variations climatiques. Au XVIIème siècle, il atteignait le hameau des Bois, provoquant l‘effroi des populations menacées par les crues glaciaires. Aujourd‘hui, en raison de la fin du petit âge glaciaire et du dérèglement climatique, il est bien moins imposant : plus fin, plus court, il faut monter au Montenvers ou au Chapeau pour l‘apercevoir.

UN GNEISS DES AIGUILLES ROUGES

Vous êtes sur le massif des aiguilles Rouges, entre Tête-aux-Vents et la Flégère. Les roches sous vos pieds sont des gneiss œillés : leurs lits de cristaux, alternativement noirs et blancs, et leurs « yeux » blanc laiteux les rendent très reconnaissables. Leur composition chimique est proche de celle des granites : leurs cristaux noirs sont des micas et les blancs sont des feldspaths et des quartzs. Ces roches sont d’anciens granites qui ont été déformés lors de l’orogenèse varisque (environ 400 – 300 Ma), dans des conditions de température et de pression très élevées. On parle de « roches métamorphiques ». Elles constituaient les racines profondes de la chaîne de montagne qui a réuni les masses continentales en un seul bloc : la Pangée. Les gneiss ont été exhumés lors de l‘orogenèse alpine.

ROCHES MOUTONNÉES

Vous marchez sur le balcon entre Tête-aux-Vents et la Flégère. Le relief marque une rupture, entre les aiguilles verticales et le versant abrupt de la vallée. Ce replat a été surcreusé par les grandes langues glaciaires qui serpentaient entre les aiguilles lors des précédentes périodes glaciaires (-115 000 à -11 000 ans pour la plus récente). Les glaciers sont des agents d‘érosion très efficaces : ils abrasent et arrachent des fragments de roche sur leur passage. Les roches érodées, polies, ont des formes arrondies caractéristiques du passage d‘un glacier, nommées « roches moutonnées ». Les roches présentent parfois des stries parallèles au sens d‘écoulement du glacier. Sur la photo, le bâton a été placé à angle droit des stries.

LE CISAILLEMENT DU MONT-BLANC

Nous pouvons ici ajouter une réponse à la question : pourquoi le Mont-Blanc est-il si haut ? En face de vous, vous remarquez une rupture de pente qui barre tout le massif du Mont-Blanc à environ 2 200 m d’altitude. C’est la trace de la faille de l’Angle. Entre cette faille et le fond de la vallée s’étend une large zone de déformation : le cisaillement du Mont-Blanc. Les sédiments de la vallée de Chamonix appartiennent à une nappe charriée sur le Mont-Blanc il y a 30~22 Ma. Entre 22 et jusqu’à 6 Ma, le socle passe à son tour au-dessus de la couverture par le jeu inverse du cisaillement. Le mouvement vertical résultant est de 9,5 à 13 km.

Sources

  • A. Mercier, P.H. Leloup, G. Courrioux, S. Caritg, S. Lopez, P. Grandjean, S. Passot, A. Kalifi, “Large thrusting and late faulting shape the Aiguilles Rouges crystalline massif (Western Alps), structural implications”, Tectonophysics, Volume 847, 2023, 229691, ISSN 0040-1951, https://doi.org/10.1016/j.tecto.2022.229691
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
LE LAC DU BRÉVENT

Le lac du Brévent, que vous apercevez en descendant du Brévent en direction des Houches, est un lac d‘altitude situé dans la réserve naturelle des aiguilles Rouges. Ce petit lac (2,4 ha) résulte du surcreusement de la roche par un glacier. Ce lac est particulier : petit, peu profond (moins de 20 mètres), les eaux circulent peu entre la surface et le fond du lac. Englacé plus de 8 mois par an, ses eaux sont pauvres en nutriments. Il n‘est pas propice au développement d‘une abondante faune et flore. Des poissons y ont été introduits à partir de 1906, mais aucune espèce ne s‘y maintenait naturellement (sauf le vairon). Cette pratique a été arrêtée en 2010, le lac étant trop moribond.

Sources

LES MICASCHISTES DU BRÉVENT

Nous ne pouvions pas parcourir la descente du Brévent sans vous présenter le minéral qui couvre de ses sublimes paillettes cette partie du massif des aiguilles Rouges : la muscovite (un mica blanc). Les micas sont des phyllosilicates, c’est-à-dire des minéraux silicatés organisés en feuillets. Les micas blancs comme noirs ont un éclat métallique, responsable ici de l’effet « boule disco » du paysage. Ici la muscovite souligne la schistosité : sa formation est contemporaine de la déformation à l’origine du feuilletage de la roche. C’est un minéral d’origine métamorphique riche en aluminium. L’abondance en muscovite dans ces micaschistes du Brévent indique que la roche d’origine (protolithe), métamorphisée durant l’orogenèse varisque, était elle-même riche en aluminium (pélite).

Sources

  • J.L Panais, J. Bellière, J.Rosset, Notice de la carte géologique de Cluses, BRGM, 1992
ÉTAGE COLLINÉEN

Les Houches est le point le plus bas en altitude du Tour du Mont-Blanc. L’étage collinéen (jusqu’à environ 1 100 m) est l’étage des villages, anciennement des cultures et aujourd’hui de la forêt de feuillus. Avant de rencontrer la limite des épicéas (entrée dans l’étage montagnard), entraînez-vous à reconnaître au bord de ce chemin des érables sycomores, bouleaux, frênes, aulnes blancs… Cet étage est siège de nombreuses mutations. Durant le XXème siècle, la spécialisation agricole entraîne le déclin de l’agriculture dans la vallée. Les productions vivrières et de fourrage régressent et les champs disparaissent. La lande puis la forêt de feuillus s’installent. Depuis les années 70 et le développement du tourisme, c’est au tour de l’habitat de s’étaler.

Sources

LE GLACIER DE BIONASSAY

Vous voilà au col de Voza. Portez votre regard vers le Mont-Blanc : vous verrez le glacier de Bionnassay s’écouler vers la vallée. Ce glacier en cache un autre, de taille bien plus modeste : le glacier de Tête-Rousse. Situé sur le versant droit du Bionnassay, invisible depuis la vallée, il s’est fait connaître dans la nuit du 11 au 12 juillet 1892, quand une poche d’eau se rompt dans sa partie frontale. Plusieurs millions de mètres cubes d’eau et de glace dévalent la montagne, ravagent les villages en contrebas et les thermes de Saint-Gervais. 175 personnes meurent, emportées par la « lave torrentielle ». En 2010, une nouvelle poche est identifiée, et vidangée entre septembre et octobre de la même année.

Sources

  • A.Gilbert, C.Vincent, P.Wagnon, E.Thilbert, A.Rabate, « The influence of snow cover thickness on the thermal regime of Tête Rousse Glacier (Mont Blanc range, 3200 m a.s.l.): Consequences for outburst flood hazards and glacier response to climate change », 2012, Journal of physical research https://doi.org/10.1029/2011JF002258
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
  • Jean-Baptiste Bosson, Nicola Deluigi, Tania Ferber, Déodat Bonneaux, Stephan Utz et Lucien Grangier, Derrière le paysage, consultation en 2024, URL : https://www.cen-haute-savoie.org/sites/contamines/index.html
LE TORRENT DE BIONASSAY

Avez-vous remarqué la teinte blanchâtre de ce torrent ? Le torrent de Bionassay est principalement alimenté par les eaux de fonte du glacier éponyme. Lorsque le glacier se déplace, il broie la roche environnante, créant une poudre très fine appelée farine glaciaire. Cette poudre se retrouve piégée entre la roche et la glace, puis est emportée par les eaux de fonte, se mélangeant en suspension dans le torrent. C’est cette fine poudre en suspension qui donne aux torrents glaciaires leur couleur blanchâtre caractéristique.

CARGNEULES DE LA CHAPELLE DE BIONASSAY

Avez-vous remarqué les roches entourant les portes, niches et fenêtres de l’église ? Ce sont des cargneules, facilement reconnaissables par leur couleur orangée et leur aspect poreux. Ces roches sont souvent minéralisées par la pyrite, un sulfure de fer. Lors de sa décomposition, la pyrite forme des dépôts de soufre et d’oxydes de fer, donnant à la cargneule sa teinte jaune orangé caractéristique. Dans cette région, les cargneules sont associées au système géologique du Trias, qui comprend aussi des gypses, des roches blanches formées dans un environnement d’évaporation. Les gypses, jouant un rôle clé dans les mouvements tectoniques, contiennent de l’eau pouvant être libérée sous pression, facilitant la formation des cargneules près des failles.

Sources

LA RÉSERVE DES CONTAMINES-MONTJOIE

En montant au Nant Borrant, vous entrez dans la réserve naturelle des Contamines-Montjoie. Créée en 1979, elle couvre 5 500 ha du village à l‘Aiguille de Tré-la-Tête (3 892 m). Elle s’étend des étages montagnard à nival, et présente une biodiversité très riche. Ces espaces naturels sont fragiles, protégeons les ensemble. Pour ne pas perturber la faune sauvage (stress, destruction de couvées…), tenez vos chiens en laisse, et ne campez que dans les aires de bivouac. Ne cueillez pas les fleurs et restez sur les sentiers balisés : vous évitez de détruire des espèces végétales fragiles ! Ne laissez pas de déchets ni de matériaux derrière vous, n‘allumez pas de feux. La règlementation complète est disponible ici.

ÉTAGE MONTAGNARD

Vous traversez une pessière, c’est-à-dire une forêt d’épicéas. C’est cette essence qui domine très largement dans les forêts de l’étage montagnard et de l’étage sous alpin inférieur. À quoi reconnaît-on un épicéa ? Tout comme les sapins ou les pin douglas (absents de ce massif), les aiguilles des épicéas sont insérées seules sur la branche. On distingue l’épicéa à ses branches tombantes, ses cônes (pommes) pendants et ses aiguilles à section losangiques. Les pessières connaissent une forte expansion dans le massif en lien avec la déprise agricole et le recul des glaciers depuis le XIXème siècle. Mais vous pourrez remarquer ça et là quelques épicéas jaunis car parasités par un coléoptère, le scolyte typographe.

Sources

LA NAPPE DE LA ROSELETTE

En amont du refuge de la Balme, en regardant vers l’ouest, on distingue les unités sédimentaires (aiguille de la Pennaz et Roches Franches, calcaire tithonique (Jurassique supérieur) gris clair plissé, sur des marnes du Lias (Jurassique inférieur) caractérisées par un relief mou) des unités de socle (gneiss, de couleur sombre et d’aspect chaotique). Ces deux unités appartiennent à la nappe de Roselette, chariée de 8 km du sud-est vers le nord-ouest il y a 30 – 15 Ma. Les unités de socle, qui forment l’écaille de Roselette, sont en position anormale : les terrains cristallins anciens sont sur des terrains sédimentaires plus récents. Cette configuration indique un double charriage, celui de la nappe de Roselette, puis de l’écaille de Roselette par-dessus.

Sources

  • Matthieu Petetin, “Structures géologiques, lecture géologique des paysages”, geologie-montblanc, consulté en 2024, URL : http://www.geologie-montblanc.fr/structures.htm
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
VERROU GLACIAIRE

En quittant les alpages de la Balme en direction du col du Bonhomme, la vallée se rétrécit, sans tout à fait se fermer. Ce changement dans la topographie est un verrou glaciaire : une zone qui a mieux résisté à l’érosion glaciaire. Le glacier a ici été ralenti dans sa descente, conduisant parfois à la formation d’une zone de surcreusement en amont du verrou, nommée « ombilic ». Similairement, un glacier descendant les flancs d’une vallée formera un coude en atteignant le fond. Sur ce coude se déposent les blocs rocheux transportés par le glacier, formant une moraine latérale, qui peut bloquer l’écoulement des eaux. C’est ainsi qu’a été formé le lac Combal en Italie !

LA TOURBIÈRE DU PLAN JOVET

Le sentier traverse une zone humide, où vous pourrez reconnaître les petits panicules plumeux des linaigrettes (sur la photo), les prêles ou bien des lycopodes. Les tourbières représentent l’évolution normale d’un lac de montagne : en haute altitude la matière organique se décompose mal et remplit peu à peu le lac. S’y installe une flore hygrophile telle que celle que vous observez au plan Jovet. Bien que les tourbières ne représentent que 3 % de la superficie terrestre, elles contiennent environ 25 % du stock mondial de carbone organique du sol. Elles permettent aussi aux scientifiques de retrouver des informations sur la vie dans le massif il y a des milliers d’années grâce aux pollens.

Sources

ENTRE ARGILITES ET CARGNEULES TRIASIQUES

En montant au col du Bonhomme, le sentier serpente entre deux types de roches : grises en feuillets et jaunes à vacuoles. Ces roches sédimentaires se sont formées au fond de la Téthys, océan qui s’est ouvert au Trias lors de la dislocation de la Pangée. Au Trias supérieur (environ 220 Ma) se déposent les roches grises, des argilites, en milieu peu profond. L’enfoncement progressif du bassin conduit au dépôt de carbonates de magnésium au Jurassique inférieur (175 Ma). Ces carbonates ont été partiellement dissous lors du mouvement de failles, formant des cargneules (roches jaunes vacuolaires). Ces roches en forme d’éponge sont caractéristiques de la zone de cisaillement du Mont-Blanc. Les couches ont été plissées et basculées lors de la surrection du massif (15 Ma).

Sources

  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
LE ROCHER DU BONHOMME

Au nord se découpe le rocher du Bonhomme. Aucune faille ne sépare les sédiments du rocher et le socle sur lequel le chemin passe : les sédiments du rocher du Bonhomme forment la couverture autochtone du Mont-Blanc. De bas en haut : trias typique des Alpes composé de cargneules, argilites et quartzites, Lias inférieur calcaire lui aussi classique. Surmontant le tout, un lias moyen gréseux, constitué d’éléments érodés du socle et ayant été altérés (présence d’oxydes et d’hydroxydes de fer) pendant la même période. Cela indique une émersion de ces « grès singuliers » alors qu’ailleurs la région était recouverte par la mer : durant le Lias moyen, le massif du Mont-Blanc était un haut-fond.

Sources

  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
ÉTAGE NIVAL

Cette variante par le col du Four nous donne une bonne opportunité de traverser l’étage nival. En montant jusqu’au col vous avez pu remarquer que la végétation se faisait de plus en plus discontinue jusqu’à ce que la roche (en août) ou la neige dominent. C’est l’altitude des premières neiges éternelles (environ 2 700 m ici) qui marque l’entrée dans l’étage nival. Si la végétation est plus rare, elle n’est pas non plus proscrite. Subsistent majoritairement mousses et lichen, mais aussi d’autres végétaux comme les androsaces, les saxifrages ou encore les renoncules des glaciers (très jolies, visibles dans la montée). La flore trouve un abri aux vents et au froid dans les anfractuosités de la roche ou bien dans la croissance en coussin.

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LES PYRAMIDES DE CALCAIRES

Le col de la Seigne marque la frontière entre France et Italie. Côté italien, nous font face deux sublimes pyramides, qui marquent une autre frontière : celle entre Alpes externes et Alpes internes. La pyramide ouest est en dolomie, d’âge triassique. La pyramide est est en calcaire du Lias (Jurassique inférieur). Entre les deux, séparées par des failles, une écaille permo-carbonifère. Ces pyramides appartiennent à la base de la nappe des brèches de Tarentaise, une unité géologique rattachée à la zone sub-briançonnaise. Cette nappe a été chariée au dessus des zones externes de la région du Mont-Blanc il y a jusqu’à 35 million d’année. C’est donc le chevauchement alpin le plus ancien rencontré lors de notre tour du Mont-Blanc.

Sources

LE LAC DE COMBAL

Ce qui est aujourd’hui un fond de vallée humide, miroitant depuis les hauteurs du rifugio Elizabetta, était autrefois un lac. Le glacier du Miage a obstrué de sa moraine frontale le val Vény, formant ainsi un barrage naturel contre lequel s’accumulent les eaux du lac de Combal. C’est ce lac qui à son tour se comble de sédiments et de végétation, forêts alluviales et marécages, entre lesquelles sillonnent des cours d’eau.

Sources

EAU DE PLUIE ET LAIT GLACIAIRE

Vous voilà au fond du val Veny. Le chemin est facile, le dénivelé est presque plat. Le vallon est fermé d‘un côté par le col de Seigne, frontière avec la France, et de l‘autre par les moraines latérales du glacier de Miage. La formation de ces moraines a bloqué l‘écoulement des eaux, conduisant à la formation d‘un lac, le lac de Combal. Aujourd‘hui comblé par les sédiments, des ruisseaux serpentent sur la pelouse humide. Observez les eaux : vous pouvez distinguer deux couleurs : bleu translucide, et blanc laiteux. Les premières sont des eaux de pluie, très pures. Les secondes sont appelées « lait glaciaire » : issues des circulations sous-glaciaires, elles sont très chargées en sédiments : si vous en buvez, vous aurez du sable entre les dents !

AIGUILLES DE GRANITE DU MASSIF DU MONT-BLANC

En regardant vers le nord, vous voyez le glacier du Brouillard, encadré par l’arête du Brouillard et la pointe de l’Innomée, avec l’aiguille Croux devant. Plus à droite se trouvent le glacier du Frêney et l’aiguille Noire de Peuterey. Ces aiguilles rocheuses sont le résultat de l’érosion due aux cycles de gel et de dégel. Le granite, qui compose ces reliefs, est traversé par des fissures appelées diaclases où l’eau s’infiltre. En gelant, l’eau se dilate, provoquant la désagrégation de la roche. Les blocs de roche désagrégés finissent par tomber sous l’effet de la gravité, donnant naissance à ces reliefs en forme d’aiguilles.​

Sources

  • Xavier Bodin, Philippe Schoeneich, Philip Deline, Ludovic Ravanel, Florence Magnin, Jean-Michel Krysiecki et Thomas Echelard, “Le permafrost de montagne et les processus géomorphologiques associés : évolutions récentes dans les Alpes françaises”, 2015, https://doi.org/10.4000/rga.2806
  • Alexandre Aubray, “Les processus d’altération-érosion des granites en climat tempéré vus par l’exemple de chaos granitiques sardes”, Planet-Terre,  2023, URL :  https://planet-terre.ens-lyon.fr/pdf/chaos-granitique-Sardaigne.pdf
LE GLACIER DU MIAGE

Le glacier du Miage se distingue de ses voisins de droite, le glacier du Brouillard et le glacier du Frêney, non seulement par ses dimensions, mais surtout par sa particularité de glacier noir et ses moraines hypertrophiées.​ Sa couleur noire provient d’une couche de débris épaisse, entre 25 et 30 cm, composée de pierres et de débris d’avalanches issues des pentes environnantes. Cette couverture sombre limite l’ablation du glacier en l’isolant du rayonnement solaire. L’épaisseur des débris est cruciale : trop fine, elle n’isolerait plus, et l’effet d’albédo inversé, lié à la faible réflectivité des roches par rapport à la glace, accélérerait la fonte.

Sources

  • P. Deline, “Les variations holocènes récentes du glacier du Miage (Val Veny, Val d’Aoste)” [Late holocène fluctuations of the Miage glacier (Val Veny, Valley of Aosta)], Quaternaire, 10-1, p5-13, 1999
  • Fyffe, Catriona & Brock, Ben & Kirkbride, Martin & Mair, Doug & Diotri, Fabrizio, “The hydrology of a debris-covered glacier, the Miage Glacier, Italy”, 2012
  • Deline Philip, “Arrêt 1 -Un glacier noir remarquable, le Miage (Arp Vieille)”, Collection EDYTEM. Cahiers de géographie, numéro 3, 2005. Le quaternaire des vallées alpines. Fronts glaciaires, mouvements de versants et comblements dans les vallées de l’Arve, d’Aoste et de Suse. Livret-guide de l’excursion organisée par l’AFEQ du 2 au 4 juin 2005. pp. 53-62, doi : https://doi.org/10.3406/edyte.2005.917 https://www.persee.fr/doc/edyte_1762-4304_2005_num_3_1_917
ÉTAGE ALPIN

Nous voici au dernier point élevé (2 415 m) avant notre redescente sur Courmayeur. C’est l’occasion d’apprendre à reconnaître quelques espèces de l’étage alpin. Au-dessus d’une certaine altitude, environ 2 400 m, la température moyenne annuelle est de 0 °C et la période de végétation de 2,5 mois. Dans ces conditions les arbres ne poussent pas et on observe une pelouse alpine de plus en plus discontinue avec l’altitude. Dans cette pelouse dominent les poacées, notamment ici le pâturin des Alpes (photo). On y trouve aussi de nombreuses espèces à fleurs chatoyantes : trèfles, campanules, renoncules… Et aussi malgré tout un arbre, le saule nain, dont un cousin peuple les forêts arctiques.

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
  • Jean-Baptiste Bosson, Nicola Deluigi, Tania Ferber, Déodat Bonneaux, Stephan Utz et Lucien Grangier, Derrière le paysage, consultation en 2024, URL : https://www.cen-haute-savoie.org/sites/contamines/index.html
  • François Michel, Curiosités géologiques de Chamonix-Mont-Blanc, BRGM éditions, 2023

Courmayeur – La Peule

BIBLIO ÉTAPE 1
Glacier de Brenva
  • Antoine Rabatel, Etienne Ducasse, Victor Ramseyer et Romain Millan, « Évolution récente et à venir des glaciers du Val Veny (massif du Mont-Blanc, Italie) : apports de la télédétection satellite optique », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], 111-2 | 2023, mis en ligne le 02 novembre 2023, consulté le 29 octobre 2024. URL : http://journals.openedition.org/rga/11575 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rga.11575
  • Massimo Riso, “I ghiacciai del monte Bianco (versante Italiano) 1818-2014”, Nimbus, Genova Numero 64, Mis en ligne en 2019, consulté en 2024, URL : http://www.nimbus.it/liguria/rlm64/GhiacciaiMonteBianco.html
  • Wikipedia, “Glacier de la Brenva”, dernière modification le 30 septembre 2024, consulté en septembre 2024, URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Glacier_de_la_Brenva
Rétrochevauchement du Mont-Blanc, Val d’Aoste
  • A. Mercier, P.H. Leloup, G. Courrioux, S. Caritg, S. Lopez, P. Grandjean, S. Passot, A. Kalifi, “Large thrusting and late faulting shape the Aiguilles Rouges crystalline massif (Western Alps), structural implications”, Tectonophysics, Volume 847, 2023, 229691, ISSN 0040-1951, https://doi.org/10.1016/j.tecto.2022.229691
  • Matthieu Petetin, “Structures géologiques, lecture géologique des paysages”, geologie-montblanc, consulté en 2024, URL : http://www.geologie-montblanc.fr/structures.htm

La Peule – Trient

BIBLIO ÉTAPE 2
Chevauchement de la nappe de Morcles, la Maye Val Ferret
Bloc erratique
  • Reynard, Emmanuel & Panizza, Mario. (2007). Geomorphosites: definition, assessment and mapping. Géomorphologie : relief, processus, environnement. 11. 10.4000/geomorphologie.337.
  • Reynard, Emmanuel, Erratic boulders in Switzerland, a geological and cultural heritage Reynard Emmanuel EGU General Assembly Conference Abstracts 2015 https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2015EGUGA..17.4415R
La vallée du Rhône, une vallée glaciaire
  • Emmanuel REYNARD, Gilles A RNAUD-FASSETTA, Laetitia L AIGRE, Philippe SCHOENEICH. Le Rhône alpin vu sous l’angle de la géomorphologie: état des lieux. Extrait de Le Rhône: dynamique, histoire et société, textes réunis par Emmanuel REYNARD, Myriam EVÉQUOZ-DAYEN, Pierre DUBUIS, Sion, 2009 (Cahiers de Vallesia, 21), p. 75-102

Trient – Tré le Champ

BIBLIO ÉTAPE 3
Étage subalpin
Col des Posettes : le barrage d’Emosson et la nappe de Morcles
Le synclinal des posettes
Argiles versicolore à l’arrivée du téléski des Posettes
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
Faille de la Remuaz
  • Michel Cara, M., Van der Woerd, J., Alasset, PJ. et al. “The 1905 Chamonix earthquakes: active tectonics in the Mont Blanc and Aiguilles Rouges massifs”, Swiss J Geosci 110, 631–651 (2017). https://doi.org/10.1007/s00015-017-0262-7
  • Riccardo Vassallo, “Remuaz”, International Federation of Digital Seismograph Networks, 2024, https://doi.org/10.7914/ts1a-7g40, URL :  https://www.fdsn.org/networks/detail/X4_2024/
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, p214-225, 2015

Tré le Champ – Les Houches

BIBLIO ÉTAPE 4
Le cisaillement du Mont-Blanc
  • A. Mercier, P.H. Leloup, G. Courrioux, S. Caritg, S. Lopez, P. Grandjean, S. Passot, A. Kalifi, “Large thrusting and late faulting shape the Aiguilles Rouges crystalline massif (Western Alps), structural implications”, Tectonophysics, Volume 847, 2023, 229691, ISSN 0040-1951, https://doi.org/10.1016/j.tecto.2022.229691
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
Le lac du Brévent
Les micaschistes du Brévent
  • J.L Panais, J. Bellière, J.Rosset, Notice de la carte géologique de Cluses, BRGM, 1992

Les Houches – Refuge de la Balme

BIBLIO ÉTAPE 5
Étage collinéen
Le glacier de Bionassay
  • A.Gilbert, C.Vincent, P.Wagnon, E.Thilbert, A.Rabate, « The influence of snow cover thickness on the thermal regime of Tête Rousse Glacier (Mont Blanc range, 3200 m a.s.l.): Consequences for outburst flood hazards and glacier response to climate change », 2012, Journal of physical research https://doi.org/10.1029/2011JF002258
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
  • Jean-Baptiste Bosson, Nicola Deluigi, Tania Ferber, Déodat Bonneaux, Stephan Utz et Lucien Grangier, Derrière le paysage, consultation en 2024, URL : https://www.cen-haute-savoie.org/sites/contamines/index.html
Cargneules de la chapelle de Bionassay
Étage Montagnard

Refuge de la Balme – Rifugio Elizabetta

BIBLIO ÉTAPE 6
La nappe de Roselette
  • Matthieu Petetin, “Structures géologiques, lecture géologique des paysages”, geologie-montblanc, consulté en 2024, URL : http://www.geologie-montblanc.fr/structures.htm
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
La tourbière du plan Jovet
Entre argilites et cargneules triasiques
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
La roche du Bonhomme
  • Hervé Leloup et Serge Drouet, Vallée de Chamonix : massif du Mont Blanc, Les Guides Géologiques Omniscience, 2015
Étage nival
Les pyramides de calcaires

Rifugio Elizabetta – Courmayeur

BIBLIO ÉTAPE 7
Le lac de Combal
Aiguilles de granite du massif du Mont-Blanc
  • Xavier Bodin, Philippe Schoeneich, Philip Deline, Ludovic Ravanel, Florence Magnin, Jean-Michel Krysiecki et Thomas Echelard, “Le permafrost de montagne et les processus géomorphologiques associés : évolutions récentes dans les Alpes françaises”, 2015, https://doi.org/10.4000/rga.2806
  • Alexandre Aubray, “Les processus d’altération-érosion des granites en climat tempéré vus par l’exemple de chaos granitiques sardes”, Planet-Terre,  2023, URL :  https://planet-terre.ens-lyon.fr/pdf/chaos-granitique-Sardaigne.pdf
Le glacier du Miage
  • P. Deline, “Les variations holocènes récentes du glacier du Miage (Val Veny, Val d’Aoste)” [Late holocène fluctuations of the Miage glacier (Val Veny, Valley of Aosta)], Quaternaire, 10-1, p5-13, 1999
  • Fyffe, Catriona & Brock, Ben & Kirkbride, Martin & Mair, Doug & Diotri, Fabrizio, “The hydrology of a debris-covered glacier, the Miage Glacier, Italy”, 2012
  • Deline Philip, “Arrêt 1 -Un glacier noir remarquable, le Miage (Arp Vieille)”, Collection EDYTEM. Cahiers de géographie, numéro 3, 2005. Le quaternaire des vallées alpines. Fronts glaciaires, mouvements de versants et comblements dans les vallées de l’Arve, d’Aoste et de Suse. Livret-guide de l’excursion organisée par l’AFEQ du 2 au 4 juin 2005. pp. 53-62, doi : https://doi.org/10.3406/edyte.2005.917 https://www.persee.fr/doc/edyte_1762-4304_2005_num_3_1_917

Nous remercions l’A-Ulm pour le financement de DahUlm. Merci au Conservatoire des Espaces Naturels (CEN) de Haute Savoie et particulièrement à Juliette Buret pour avoir accompagné le projet et pour fait figurer quelques étapes sur l’application RandoNature du CEN.

Merci à Michel Cara pour ses réponses à nos questions et merci aux travaux de vulgarisation qui nous ont précédé et qui ont été d’une grande aide.

Enfin merci à Marie-Pierre et Claude Rizet pour nous avoir permis de finaliser la préparation de DahUlm au milieu des montagnes.