Cinq questions sur les méga-bassines

Alors que les retenues de type « bassines » tendent à se multiplier en France, se pose la question de la pertinence de ces objets pour réduire la pression sur les milieux tout en soutenant une forte irrigation. Ainsi, une étude réalisée dans le cadre d’un stage de master au laboratoire de Géologie de l’ENS s’est penchée sur le bassin des Autizes en Vendée, premier bassin où ces « bassines » ont vu le jour. L’étude a analysé les raisons historiques, pédologiques, hydrologiques, écologiques, agronomiques et réglementaires ayant conduit à la construction de ces retenues. Le remplissage des retenues et les niveaux des rivières et des nappes souterraines sont analysés en lien avec les normes qui ont évolué afin d’être plus protectrices de l’environnement. La question de l’évolution des besoins agricoles en eau dans un contexte de changement climatique est également brièvement étudiée. Vous trouverez ci-dessous une frise historique récapitulative, un résumé en 5 questions – réponses, un texte plus fouillé de 5 pages et bientôt un lien vers le rapport de stage de 50 pages.

1. Qu’est-ce qu’une méga-bassine ?

Le terme « méga-bassine » est souvent utilisé pour parler des réserves de substitution créées autour du Marais poitevin. Une de leur particularité est de s’élever à une dizaine de mètres au-dessus du sol et d’être totalement bâchées pour éviter les pertes par infiltration de l’eau dans le sol, ce qui leur confère une similitude avec des bassines de grand format, puisque leur surface dépasse généralement les 2 hectares ! Contrairement aux retenues plus classiques, sur cours d’eau ou collinaires, le remplissage de ces bassines ne se fait pas en captant un écoulement naturel. Il  ne se fait pas non plus par la pluie, mais par des pompages en nappe, plus rarement en rivière, et parfois une combinaison de pompages en nappe et en rivière. Ce sont des retenues dites « de substitution » car elles visent à remplacer des prélèvements directs dans le milieu en été par des prélèvements en automne / hiver.

2. Pourquoi une telle pression sur la ressource en eau autour du Marais Poitevin ?

Le Marais poitevin se situe dans une région où les écoulements ne sont pas abondants (voir la carte des précipitations et des débits en moyenne annuelle1). Ces faibles écoulements ne sont pas compensés par des rivières propageant les flux des montagnes comme c’est le cas sur la Loire, la Garonne, le Rhône ou le Rhin. Au nord du Marais, les rivières prennent leurs sources sur une zone de socle peu perméable avec donc un réseau hydrographique dense. Puis, à proximité du Marais, les rivières atteignent une zone très perméable où les écoulements souterrains dominent. De plus, une grande partie des sols dit « de groies » de la région présentent une très faible capacité de réserve en eau. Dans les années 1970-80, le développement très marqué de l’irrigation, encouragé et soutenu financièrement par l’État, a conduit à la détérioration marquée des milieux naturels, avec des assecs en rivière et un  assèchement du marais.

1 source: https://hess.copernicus.org/articles/18/4207/2014/hess-18-4207-2014.html

3. Pourquoi des méga-bassines en Vendée ?

A partir des années 90’ les prélèvements d’eau en nappe en été ont fait chuter le niveau des nappes en dessous du niveau de la mer (entraînant un risque d’intrusion saline) et ont conduit à inverser le sens d’écoulement de certaines rivières. Face à la dégradation marquée du milieu, il était important d’agir. Au vu des faibles débits et de la dynamique assez rapide des nappes (avec un cycle annuel très marqué), le choix a été fait, non pas de réduire drastiquement les volumes prélevés annuellement, mais de substituer des prélèvements directs en été par des prélèvements en hiver, via un stockage en retenue. Les premières bassines ayant bénéficié d’un financement et d’une propriété publique ont été réalisées sur la plaine calcaire du bassin des Autizes (rassemblant l’Autise et la vieille Autise, parfois aussi orthographié Autize) en parallèle à la mise en place d’une gestion supervisée des prélèvements.  

4. Les méga-bassines ont-elles permis de réduire la pression sur le milieu ?

La figure montre l’évolution du  niveau de la nappe au site de référence de Grand Nati (en vert) entre 1993 et nos jours. Les niveaux de la nappe ont significativement remonté en été, ce qui est généralement mis en lien direct avec la mise en œuvre des retenues de substitution. Cependant, en parallèle, des règles de gestion plus strictes ont été adoptées face à la dégradation du milieu. Ainsi, le niveau piézométrique de crise, c’est-à-dire le niveau des nappes en dessous duquel plus aucun prélèvement en nappe n’est autorisé, a évolué. Le niveau annuel le plus bas a nettement augmenté après 2007, en lien avec l’évolution du niveau de crise (en rouge) d’abord fixé à 0 m, puis à 1,7 m en 2007 et 2,5 m depuis 2008. L’adoption de ces règles sur le bassin est facilitée par la gestion collective supervisée par l’établissement  public du marais poitevin en charge de l’eau et de la biodiversité.

Dans cette région où il y a de très fortes interactions entre les nappes et les rivières. Lorsque la nappe est haute, elle alimente les rivières, mais, lorsqu’elle est basse, c’est l’inverse, il y a des pertes en rivières vers la nappe. Or le remplissage des retenues de substitution des Autizes est autorisé entre novembre et février dès que le niveau de nappe au site de référence est au-dessus d’un seuil. Or, l’analyse des observations des assecs (absence d’eau) disponibles sur les périodes estivales  depuis 2012 montre un lien très fort avec les niveaux de nappes, permettant d’établir que le seuil fixé à ce jour ne permet pas nécessairement d’éviter les assecs lors des périodes de remplissage.

5. Quelles évolutions sont possibles ?

Les premières bassines de Vendée ont été vues comme un moyen pour garantir des volumes d’eau pour l’irrigation tout en adoptant des règles de gestion des prélèvements plus protectrices de l’environnement. La gestion collective a permis des dialogues au sein des territoires. Néanmoins, des questions émergent concernant la durabilité du système. Ainsi, le nombre de jours où les remplissages des bassines est possible tend à diminuer, alors même que ces critères ne sont sans doute pas encore suffisamment protecteurs. On peut également se questionner sur les pertes associées à ces retenues, notamment les pertes par évaporation qui pourraient augmenter fortement avec le changement climatique, de même que la qualité de l’eau qui pourrait se dégrader. Des travaux sont en cours pour quantifier ces éléments et in fine tenter de les réduire. La gestion collective et publique peut faciliter la prise de conscience et permettre une orientation vers les choix les plus durables.


Pour aller plus loin

Un texte plus fouillé de 5 pages – Les réserves de substitutions, une solution à la pression agricole sur la ressource en eau ? Observation et affinement des connaissances sur le bassin des Autizes dans le contexte de la gestion quantitative de l’eau au Sud-Vendée.

Et bientôt un lien vers le rapport de stage de 50 pages.