Les sols sont le plus important stock de carbone sur les continents : entre 5200 et 5700 gigatonnes (1 gigatonne équivaut à un milliard de tonnes) de carbone. À titre de comparaison, les végétaux terrestres stockent environ 650 gigatonnes de carbone et l’atmosphère un peu plus de 800. Le carbone esont stockés dans les sols sous forme de molécules organiques ou inorganiques. Les molécules organiques sont des molécules qui ont, à un moment donné, été fabriquées par un organisme vivant (plantes, animaux, microorganismes, etc.). Par opposition, les molécules inorganiques n’ont pas été fabriquées par du vivant mais uniquement par des processus physico-chimiques. Par conséquent, les molécules organiques contiennent des liaisons Carbone-Hydrogène alors que les molécules inorganiques n’en possèdent pas. À titre de comparaison, les végétaux terrestres stockent environ 650 gigatonnes de carbone et l’atmosphère un peu plus de 800.
Quand on parle de stockage de carbone sous forme de molécules organiques, on distingue deux types de sols : les sols dits minéraux des sols dits organiques. La part de matière organique dans la masse totale d’un sol “minéral“ ne représente que quelques pourcents. Il y a entre 1500 et 2000 gigatonnes de carbone dans ces sols. Au contraire, les sols “organiques” tels que les tournières ou les pergélisols (sols gelés) sont principalement composés de matière organique. On y trouve environ 1400 gigatonnes de carbone. Il est à noter qu’en termes de surface, la majorité des sols sur la planète sont des sols minéraux. Les sols organiques stockent donc sur une surface beaucoup plus petite presque la même quantité de carbone que les sols minéraux.
Certains sols stockent également du carbone sous forme inorganique. Sur ce stock, encore beaucoup d’incertitudes perdurent mais une étude récente estime qu’il y aurait 2300 gigatonnes de carbone stockées sous cette forme dans les sols. Ce carbone inorganique est généralement considéré comme plus stable et donc moins en interaction avec l’atmosphère. Le carbone organique, quant à lui, est issu de la décomposition des végétaux par les organismes vivant dans le sol et ces organismes décomposeurs respirent et renvoient vers l’atmosphère des flux de l’ordre de 50 gigatonnes de carbone par an à l’échelle globale.
Beaucoup d’études s’intéressent à estimer le temps que passe le carbone dans les sols. En effet, les sols sont un compartiment du cycle du carbone global et des flux entrants et sortants contrôlent la quantité de carbone que l’on y trouve. Le carbone, une fois entré dans les sols n’y reste donc pas pour l’éternité. Le temps que le carbone reste dans les sols est appelé “temps de résidence”. Mieux comprendre les mécanismes qui contrôlent ce temps de résidence est une question de recherche majeure actuelle. Il existe plusieurs méthodes pour estimer le temps de résidence dans les sols basées sur des approches complémentaires qui utilisent des techniques analytiques variées telles que l’outil isotopique (carbone 13 et carbone 14), la modélisation numérique1, des expérimentations de terrain de long terme2, etc. Un atome de carbone peut rester dans le sol de quelques heures à quelques millénaires en fonction des conditions environnementales et de sa forme chimique, mais en moyenne on évalue son temps de résidence à quelques dizaines d’années.
Les mécanismes qui contrôlent ce temps de résidence sont divers mais nous pouvons les regrouper en 4 grandes catégories
1 ORCHIDEE : un outil puissant pour prévoir le climat
2 Les 42 Parcelles
L’évolution du stock de carbone du sol résulte du différentiel entre les entrées de carbone au sol (principalement sous forme de litière végétale dont le carbone fixé via la photosynthèse est issu de l’atmosphère) et des sorties de carbone (principalement sous forme de CO2 qui retourne à l’atmosphère via la respiration des organismes du sol). Vu les quantités importantes de carbone mobilisées, des modifications de ces flux influent sur les quantités de CO2 atmosphérique et donc sur le climat. Ainsi, les baisses des stocks de carbone des sols consécutifs à la conversion d’écosystèmes naturels en agro-systèmes ont conduit à une perte de plus de 130 gigatonnes de carbone depuis les débuts de l’agriculture (-10 000 ans). Ceci représente plus de 20% des émissions de carbone cumulées liées aux activités humaines. Aujourd’hui encore, les émissions liées aux changements d’usage des terres représentent environ 10% des émissions. Inversement, en arrivant à “décarboner” les sols agricoles via la mise en place de pratiques vertueuses, il est possible de contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique. Par exemple, à l’échelle de la France, on considère que de telles pratiques pourraient permettre de compenser 5 à 10% des émissions actuelles. De ce fait, une telle “solution basée sur la nature” apparaît en bonne place dans le portfolio des actions à mener pour compenser les émissions incompressibles et atteindre la neutralité carbone dans les prochaines décennies.
Augmenter le stock de carbone dans les sols pour atténuer les effets du changement climatique est une des techniques dites de “captage de CO2” qui pourrait être mise en place dans le cadre d’application de politique d’atténuation du changement climatique. Des études montrent qu’il serait plus judicieux de chercher à augmenter les flux entrant de carbone dans le sol plutôt qu’à diminuer les flux sortants. Pour augmenter les flux entrants il faut jouer sur la gestion des écosystèmes. La plupart des écosystèmes à l’échelle de la planète sont gérés plus ou moins intensément par l’humain (champs cultivés, prairies, forêts, etc.), une modification des pratiques de gestion pourrait permettre d’augmenter significativement la quantité de carbone dans les sols. Par exemple, l’augmentation de la couverture des sols (développement de cultures intermédiaires, enherbement des vignes et vergers ou introduction de prairies temporaires dans les rotations) permet d’augmenter les stocks de carbone des sols français d’environ 100 kilogrammes de carbone par hectare et pas an. La mise en place de l’agroforesterie (systèmes de cultures avec la présence d’arbres dans les parcelles agricoles) permet également d’augmenter les stocks de carbone dans les sols. Il est néanmoins très important de noter que les capacités de stockage de carbone dans les sols ainsi que l’ensemble des techniques de captage de CO2 ne peuvent compenser l’ensemble de nos émissions de gaz à effet de serre. Leur mise en place peut donc aider à compenser un certain nombre d’émissions dites “non compressibles”, mais l’utilisation des techniques de captage de CO2 n’a de sens que dans un contexte de diminution drastique de nos émissions.
La capacité de stockage du carbone par les sols n’est pas infinie et elle est limitée par un certain nombre d’éléments. Tout d’abord, pour augmenter les stocks, il faut augmenter les entrées, ce qui se fait généralement en augmentant la biomasse végétale. Les capacités de production de biomasse sont limitées par le climat, la surface, la disponibilité en nutriments, etc. Ainsi, notre capacité à augmenter les entrées de carbone dans les sols est également limitée. D’autre part, le carbone dans les sols est principalement stocké sous forme de molécules organiques qui sont également composées d’autres éléments (Azote, Phosphore, etc.) si ces autres éléments ne sont pas présents, la formation de la matière organique n’est pas possible.
Une autre limitation importante est que l’augmentation des stocks de carbone dans les sols passent généralement par une modification des pratiques de gestion. Ainsi, un abandon de ces pratiques stockantes aura pour conséquence une diminution des stocks de carbone qui retournerait vers l’atmosphère. L’utilisation des capacités naturelles des sols à stocker du carbone pour atténuer les effets du changement climatique ne peut donc se faire que si les pratiques stockantes sont maintenues dans le temps long. De plus, les sols rendent d’autres services aux sociétés humaines. Ils nous permettent de produire de la nourriture, du bois, de filtrer l’eau, etc. La mise en place de pratiques stockantes doit donc être faite avec parcimonie pour ne pas affecter les autres services rendus par les sols.
Enfin, un certain nombre de processus qui contrôlent la dynamique du carbone dans les sols sont encore mal compris et notre laboratoire travaille à mieux les comprendre pour affiner notre connaissance du fonctionnement des sols.